Le Ballet des crabes
Je disais dans Le Libre Arverne n°36 que dans nos rangs, même la débauche se sent obligée d’avoir de la classe, comme Drieu la Rochelle, à mille lieues de la puanteur crasseuse d’un Sartre. On pourrait rajouter à la liste la baronne Maud de Belleroche, femme d’un dignitaire de Vichy reconvertie après-guerre dans la littérature polissonne… Dans son auto-biographie, elle parle du monde de l’Ordre Nouveau français et européen qu’elle a bien connu. Après deux mariages ratés, elle devint la maîtresse de Jean Luchaire (dont elle confirme qu’il a sauvé une centaine de Juifs pendant la guerre, ce qui explique pourquoi il a été si rapidement fusillé en 1945) puis celle de Georges Guilbaud, haut fonctionnaire de Vichy qui finira ambassadeur en Italie, qu’elle admirait mais qu’elle n’aimait pas, ce qui ne l’empêcha pas de l’épouser en 1944. Très portée sur les demoiselles (mieux utilisée, elle aurait fait une redoutable espionne), madame la baronne avait néanmoins une certaine classe, typique de la femme française, qui lui a permis de dresser un tableau pour le moins réaliste, piquant, parfois cruel, d’un petit monde dont la description habituelle oscille entre l’image d’Epinal et la diabolisation outrancière. Au fil de la lecture, on y apprend certaines choses : que l’Allemagne avait nommé en France un Consul, Mülhausen, de race juive (il avait été nommé « Aryen d’honneur ») ; que Mussolini en 1944 avait renoué avec la pratique religieuse par l’entremise du père Dies, que certaines femmes de la bonne bourgeoisie italienne, particulièrement débauchées, allaient violer des gamines détenues par la Gestapo… tout comme en France, quasiment au même moment, une certaine Marguerite Duras fera de même (avec un jeune homme) au sein des FTP. L’horreur n’a pas d’uniforme… Arrêtée, Maud connaîtra la sinistre geôle Saint-Paul où elle constata que les « Résistants » n’avaient rien à envier à la Milice question barbarie… Maud de Belleroche avait sauvé de la déportation en 1942 une jeune amie juive prénommée Micheline. Son père, lui, avait sauvé son associé juif Meyer. Son amant Luchaire, nous l’avons vu, avait fait de même. Il va de soi qu’en 1945, pas l’un d’entre eux ne manifesta sa gratitude… Sa famille eut alors le comportement inverse des autres : c’est en 1945 qu’elle deviendra antisémite… Cette biographie est utile, même si son héroïne est hautement immorale, car elle confirme qu’en période révolutionnaire, quand on veut vraiment se positionner en rupture avec le passé, on commence par ne plus accepter des gens formés par l’ordre ancien. En reprenant les vieux rogatons de la IIIe République, Vichy courait à l’échec. A méditer pour le jour où c’est nous qui tiendrons le manche…
Maud de BELLEROCHE – Le Ballet des crabes - 22 € - Editions Dualpha – BP 58 – 77522 COULOMMIERS Cedex – ISBN : 2 – 912476-46-1
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