Monday, March 27, 2006

Entre Céline et Brasillach

Quels étaient les liens entre les deux écrivains maudits de la Seconde Guerre Mondiale : Céline, le docteur pamphlétaire, le misanthrope ami des pauvres, qui bouffait du juif comme les radicaux bouffaient du catholique mais qui consacra sa thèse universitaire à un médecin israélite génial regrettablement oublié (Semmelweiss) ; et Robert Brasillach, le poète fasciste, celui dont le talent dépassait largement Aragon, sacrifié en bouc émissaire sur l’autel du totem Dogol parce que trop talentueux pour la France gaulchévique ? Ancien secrétaire de rédaction de l’hebdomadaire Je suis partout (ce qui lui valut une condamnation à perpétuité en 1947 cassée en 1952), ami de Léopold Senghor, Henri Poulain (1912-1987) avait la chance d’être l’ami de ces deux géants de la littérature française de l’entre-deux-guerres. Il rencontrera d’ailleurs sa première épouse Edith au dispensaire de Céline où elle travaillait. Nos amis du Bulletin Célinien ont eu l’idée de rééditer un de ses textes de 1964, La Vraie patrie des entêtés, suivi d’une contribution de Marc Laudelout, L’Impossible rencontre où il fait état des relations souvent houleuses entre ces deux personnalités qui ne s’appréciaient pas du tout. Tout opposait en effet Céline et Brasillach : le premier était un autodidacte, le second un intellectuel bardé de diplômes. Le grand avantage de cette brochure, notamment dans les notes en bas de pages, est de mettre fin à des ragots colportés par nos ennemis ou les « opposants officiels ». Ainsi, Marc-Edouard Nabe en prend pour son grade. Le moucheron binoclard, qui est à Céline ce que l’Olympique de Saint-Etienne est à l’ASSE, avait déclaré dans son livre Coups d’épée dans l’eau que « Brasillach a pris Mein Kampf pour la Bible ». Or, voici l’opinion de Brasillach sur le livre de Hitler : « C’est très réellement le chef d’œuvre du crétinisme excité où Hitler apparaît comme une espèce d’instituteur enragé. Cette lecture m’a affligé » (lettre à Jean Dupin, 1935). De même, il tord le cou aux mensonges de la très talmudique Anne Kaplan, dont le père participa au génocide allemand, dans son pamphlet sans grand intérêt Intelligence avec l’ennemi. Le procès Brasillach » paru chez Gallimard en 2001 : Robert Brasillach était si peu « homosexuel » qu’il avait une tendre amie, Marguerite Cravoisier, et de plus, contrairement à François Mitterrand, Brasillach ne doit pas sa libération de l’oflag aux Allemands mais à Vichy qui lui avait proposé la direction du cinéma officiel, poste où il ne resta en place que quelques jours… Céline, c’est le self-made man, qui a appris la vie dans les tranchées (grièvement blessé en 1914-1918, le maréchal des logis Destouches sera décoré de la croix de guerre et cité deux fois) et au contact des pauvres. Brasillach, c’est l’enfant prodige, élève brillant, normalien, chroniqueur à 22 ans à L’Action Française. On comprend qu’il suscite les jalousies des médiocres, tel Jérôme Garcin qui, dans Le Nouvel Obs’ du 25 octobre 2001, insulte l’écrivain martyr dans le journal où Jean Lacouture fit l’apologie du génocide du peuple khmer. Garcin a de la chance. Il ne mourra jamais fusillé. On fusille les hommes, pas les cloportes… Entre Céline et Brasillach, le malentendu date d’octobre 1932, lorsque le jeune chroniqueur (23 ans !) préfère Les Loups, le roman du rival de Céline, le Prix Goncourt Guy Mazeline à Voyage au bout de la nuit. Le 11 juin 1936, Brasillach massacre Mort à Crédit qu’il juge ennuyeux. Céline éreintera Brasillach dans Bagatelles pour un massacre… que Brasillach louera à la page 198 de Notre avant-guerre ! Brasillach était cependant choqué par les violentes diatribes antisémites de Céline, considérant le racisme antisémite comme « une folie pure » mais lui propose d’écrire des articles pour Je suis partout, ce que Céline déclinera. Le 17 février 1939, Brasillach critique le pangermanisme de Céline dans son livre L’Ecole des cadavres où il traite notamment Maurras de juif. Brasillach reconnaîtra cependant en 1944 la lucidité de Céline quant aux vrais fauteurs de guerre et à la nécessité qu’il y avait alors à l’alliance allemande. La guerre voit Brasillach devenir lieutenant d’infanterie en Alsace et Céline médecin à bord du paquebot réquisitionné Le Chella. En décembre 1941, Vichy (à savoir l’amiral Darlan) interdit le livre de Céline Les Beaux draps : « Ne tirez pas sur le prophète » clame Brasillach dans Je Suis Partout du 10 janvier 1942. Céline essaye de contribuer à l’hebdomadaire, mais Brasillach lui censure la quasi-totalité de ses contributions pour cause de « délire raciste », notamment lors de ses harangues contre les « narbonnoïdes dégénérés », à savoir les Français de souche latine vivant au sud de la Loire… Le 2 août 1943, Céline écrit à Brasillach pour l’avertir, prophète illuminé !, que le peuple français tuera non pas les Allemands mais les gens comme eux. Leur destin va alors diverger. Céline s’enfuit en Allemagne puis se réfugie au Danemark. Brasillach reste. Son ancien camarade de classe Roger Vailland, lui conseille de fuir. « Ce n’est pas la peine, on va m’arrêter et me fusiller. C’est vrai mais c’est aussi bien comme ça. La boucle est bouclée ». Il tombera sous les balles gaulchéviques le 6 février 1945. Pour conclure, Marc Laudelout signale que Claude Lorne a été le premier et le seul à revendiquer sa préférence pour Brasillach par rapport à Céline. Je conçois Céline comme un illuminé (au sens noble du terme), un mystique de la race aux fulgurances géniales, comme l’a été dans son domaine Adolf Hitler (que Céline n’appréciait pas plus…), mais j’ai un soupçon de préférence pour Brasillach, un militant qui est allé jusqu’à l’holocauste de sa vie pour ses idées.

Henri POULAIN – Entre Céline et Brasillach – Le Bulletin Célinien – BP 70 – B-1000 BRUXELLES 22 – Belgique – 20 € - ISBN : 2-9600106-1-2

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