Thursday, December 28, 2006

La vie quotidienne à Moulinsart


Tout ce que vous avez voulu savoir sur Tintin sans jamais avoir osé le demander. Reprenant toutes les Aventures de Tintin mais également les livres écrits sur le sujet, l’auteur se plait à imaginer la vie quotidienne du château de Moulinsart, depuis sa construction sous Louis XIV à nos jours. Comment Louis XIV en vient à donner cette réplique de Cheverny au chevalier François de Hadoque ? En partant d’un personnage historique bien réel, l’amiral anglais Richard Haddock, l’auteur imagine toute une histoire dans l’histoire. Moulinsart, né des syllabes inversées de Sart-Moulin, en Belgique, est la réplique de Cheverny ? Alors il fait de François de Hadoque le bâtard né des amours de Louis XIV et de la comtesse Cécile-Elisabeth de Montglas, fille du châtelain de Cheverny. Confié à Colbert, ce sera Fouquet qui le fera adopter par l’amiral Haddock, sans héritier mâle, aux temps de l’alliance franco-anglaise. Lors de la guerre contre la Hollande, Sart-Moulin sera choisi pour construire la réplique exacte du château de la Loire qui devra servir de « QG » à Louis XIV. Ce château, une fois terminé, sera attribué à François Haddock, devenu entre temps François de Hadoque suite à sa naturalisation française. Signe de l’amour paternel de Louis XIV pour son bâtard, il lui laissera la jouissance exclusive du trésor pris à Rackham le Rouge quand ce dernier prit à l’abordage La Licorne, y laissant dans la bataille son propre navire… Et le capitaine Haddock dans tout cela ? Comment sa famille, ayant récupéré son patronyme anglais, est-elle devenue belge ? Le chevalier de Hadoque retourna en mission en Angleterre en 1713, y implantant sa famille. En 1922, la compagnie employant le père du capitaine envoya ce dernier en poste à Bruxelles. Elevé par sa maman très possessive, Jacqueline Haddock (qui a réellement existé : elle entra dans l’histoire pour avoir accouché en 1910 d’une fillette mort-née après… 13 mois de grossesse), le jeune Archibald Haddock sera un bon élève à Bruxelles, demandera la nationalité belge et servira lors de son service militaire comme midship. Remarqué par ses supérieurs, il deviendra capitaine de réserve et sera embauché dans la marine marchande où il formera un inséparable trio avec ses amis, l’Anglais Allan Thomson et l’Irlandais Chester.

L’auteur remarque que Tintin, au fil des rééditions, a gommé non seulement sa profession (reporter) mais aussi sa nationalité. Ce jeune homme, dont on ignore le prénom (Tintin, sa sonnette le prouve, étant son nom de famille) est irrémédiablement un enfant de Bruxelles. Qui, sinon un 100 % pur belge, hurlerait en état d’ivresse : « vive Alcazar et les pommes de terre frites » ? Tintin est donc Made in Belgium, comme son homologue en célébrité Hercule Poirot. Il a changé de nombreuses fois la décoration de son appartement où il vit toujours, comme le démontre l’auteur, ne venant à Moulinsart qu’en visite. La commune de Moulinsart est « analysée » par l’auteur, aussi bien en matière de services, de commerce que de transports. C’est la renommée croissante du capitaine Haddock et du Salon de Marine du château qui obligea le Ministère belge des Transports à installer une ligne de chemin de fer reliant ce petit village à Bruxelles, la capitale, distante d’environ 40 kilomètres. Le professeur Tournesol a installé son laboratoire dans l’ancien pavillon du gardien, ses expériences sur le S-14 ayant détruit la partie ouest qui dut être reconstruite. L’auteur nous fait également entrer dans les coulisses, ou plutôt les cuisines, du château et révèle que Milou avait trouvé un complice en la personne de Nestor, qui – attendri par les mimiques du rusé toutou – nourrissait le petit fox-terrier des reliefs des commandes passées à la boucherie Henri Sanzot. Autre personnage analysé : Bianca Castafiore, qui ne chante pas faux mais fort. Diva internationale, elle est une forte femme capable de duper au péril de sa vie le sinistre colonel Spontz, chef de la police de la très stalinienne Bordurie, mais également de mettre au pas le capitaine Haddock lui-même qui fait des frais de toilette et de coiffure quand la diva s’installe chez eux.

Thomas SERTILLANGES – La vie quotidienne à Moulinsart ­ -­ Hachette Littératures – 18 € - ISBN : 2-01-237263-5

Histoires inédites du Petit Nicolas 2


Deuxième volume des aventures du Petit Nicolas, ce petit garçon si symbolique des années soixante et d’une France morte. Le Petit Nicolas, c’est une famille unie qui vit en zone pavillonnaire : il y a papa, qui travaille dur au bureau – du moins c’est ce qu’il dit – pour nourrir la famille. Il y a maman, qui reste au foyer. Il y a Mémé, la maman de maman, qui vit à la campagne et s’incruste dans la famille au grand déplaisir de son gendre (ah les belles-mères… air connu sauf chez moi). Il y a les deux voisins, les Blédur et les Courteplaque, dont les rapports avec la famille de Nicolas sont tendus (surtout les papas d’ailleurs). Mais le petit garçon n’en a cure : quand il sera grand, c’est promis, il se mariera avec Marie-Edwige Courteplaque, si chouette avec ses « cheveux jaunes ». Il y a aussi l’école et les copains : Eudes le bagarreur, Joachim l’as aux billes, Maixent l’insignifiant, Rufus le fils de policier, Geoffroy dont les parents sont riches, Clotaire le cancre de la classe, Alceste le petit gros qui mange tout le temps… et Agnan, le chouchou de la maîtresse qu’on ne peut pas taper à cause de ses lunettes. L’école de briques avec sa maîtresse compréhensive, son directeur paternel, ses deux pions : le jeune Mouchabière, rapidement dépassé par les événements, et l’autoritaire Dubon dit « le Bouillon » car il dit toujours « regardez-moi dans les yeux ».

45 histoires dont beaucoup rappellent des souvenirs d’enfance. Qui, petit enfant, n’a pas été obligé d’aller chez le dentiste et s’étant fait sermonner sur le fait d’être courageux, constate que papa a encore plus peur quand c’est son tour de passer sur le divan ? Qui n’a pas été invité au mariage d’une cousine avec l’oncle qui dit « donnez du foie gras au petit, ça ne peut pas lui faire de mal » et que si, ça a fait ? Qui ne s’est jamais disputé avec ses copains pour se réconcilier quelques instants après ? Qui, lors d’une sortie scolaire, n’a pas fait tourner en bourrique la maîtresse avec ses copains ? Les années passent, les enfants ne changent pas. Du moins jusqu’à une époque récente… Au moins, en ce temps-là, Agnan ne risquait pas de se faire tabasser à mort, Geoffroy ne risquait de se faire racketter et Marie-Edwige ne risquait pas le viol collectif dans les toilettes de l’école comme c’est le cas depuis que des prénoms ayant une autre consonance sont devenus majoritaires. Il y a des passages absolument savoureux, notamment lorsque Mémé, qui n’aime pas le mari de sa fille (ce dernier le lui rendant bien…) à la question de ce dernier (« Et quand le pauvre petit sera grand et que vous en aurez fait un ignorant, qu’est-ce qu’il deviendra ? ») répondra sournoisement : «il deviendra un gendre, probablement ». Autre moment comique : Clotaire, le cancre de la classe, récompensé par ses parents pour avoir eu 3 (sa meilleure note de l’année) en arithmétique, ce qui lui permit de finir avant-dernier ! En lisant ce livre, on voit d’ailleurs une réplique que l’on retrouvera dans le film Les Bronzés font du ski : à Monsieur Blédur qui lancera au papa de Nicolas : « je ne sais pas ce qui me retient de m’occuper de toi », ce dernier répondra ironiquement : « la frousse ».

Jean-Jacques SEMPE & René GOSCINNY – Histoires inédites du Petit Nicolas 2 – Editions de Noyelles – ISBN : 2-7441-9632-0