Friday, November 10, 2006

Vae Victis n°64


Le numéro 64 de ce bimestriel consacré aux wargames propose un jeu en encart sur la bataille d’Austerlitz. Comme toujours, le jeu est accompagné d’une analyse historique, souvent pertinente. Cette fois, l’accent est mis sur les lectures de Napoléon qui ont inspiré son ordre de bataille lors d’Austerlitz. Tout d’abord, un excellent rappel historique de Frédéric Bey tord le cou à la légende de « Napoléon, conquérant mégalomane » ayant décidé en 1805 de conquérir l’Europe : il n’avait pas d’autre solution, face à une coalition regroupant l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, la Suède et Naples, que d’aller au devant de ses ennemis et de les vaincre un à un alors qu’ils n’étaient ni prêts, ni rassemblés. Citons son analyse, qui, sans le savoir, rejoint celle de Carr : « Après la rupture de la paix d’Amiens, l’Angleterre et son gouvernement ont décidé de mener « jusqu’au bout » la lutte contre la France c’est-à-dire jusqu’à la chute de tout gouvernement français dont l’ambition serait de contester son hégémonie commerciale et maritime. Si l’Angleterre a vu dans la Révolution Française une menace idéologique pour l’équilibre de l’Europe, elle s’inquiète beaucoup plus de la concurrence d’une France apaisée et réorganisée efficacement par le Premier Consul, puis l’Empereur des Français. Le Cabinet de Londres se sert cyniquement de l’hostilité des souverains résolument conservateurs d’Autriche et de Russie contre l’héritier de la Révolution, pour conjurer la menace d’une France à nouveau stable et « respectable ». » Quel dommage que l’auteur n’ai pas compris que les accusations contre Adolf Hitler sont toutes aussi fausses (nous en reparlerons dans l’éditorial du n°154). La bataille d’Austerlitz est un cas d’école montrant la supériorité de Napoléon sur ses rivaux : il avait reconnu le terrain dès le 21 novembre, a utilisé la psychologie pour pousser les Russes à l’offensive et a bénéficié de sa forte culture, défaillante chez ses ennemis. Il sacrifia une aile pour renforcer l’autre comme Epaminondas à Leuctres et Mantinée et Frédéric II à Leuthen. Il poussa les Alliés à abandonner une position favorable pour l’attaquer comme Hannibal à Cannes, masquant deux divisions dans le brouillard comme fit le même Hannibal au lac Trasimène. Pour une victoire totale comme fut Austerlitz, il fallait aussi l’outil, et Napoléon l’avait avec ce qui fut la meilleure armée française de tous les temps.

Un scénario pour figurines, Le dernier des Mohicans, simule les combats au Canada entre Français et Anglais entre 1754 et 1755. Le scénario simule l’attaque de la colonne Wayne en route vers le fort Mac Allistaire par les « coureurs des bois » Français massivement renforcés par les Hurons du chef Moqwai. A noter que les règles du jeu d’embuscade sont fournies dans le numéro. Bien qu’on en voit la figurine sur les photos accompagnant les règles du jeu, l’ours n’est pas inclus dans les règles. Autre scénario pour figurine : le sacrifice des élèves de l’école de cavalerie de Saumur le 15 juin 1940, tués pour empêcher les Allemands de franchir la Loire, sacrifice totalement inutile. Le scénario simule la prise de l’île Offard par les éléments de la 7e Panzerdivision s’opposant à la brigade des Cadets dirigés par le Lieutenant De Buffevent, de la section de Cadets du sous-lieutenant d’Anglejan et de celle du lieutenant-colonel Robert, une unité de génie. Deux scénarii pour Avanced Squad Leader : le premier simule l’une des premières escarmouche du front de l’Ouest en 1939 opposant le 8 septembre un détachement français de garde-frontières (unité pour le moins médiocre, composés de frontaliers ayant souvent de la famille en Allemagne…) à ses homologues allemands de la Grenzschultz dans le village allemand de Bedersdorf. Les Français réussirent à se retirer pour la perte d’un soldat contre celle d’un officier allemand. Le second s’intéresse à l’un des derniers combats du 81e régiment Debica de la 29e division de Waffen-SS Italia, soutenu par un char du groupe Leonessa, qui repoussa dans le village de Piacenza le 135e régiment de l’armée américaine le 26 avril 1945.

Le dossier du bimestre, qui sera le thème du prochain jeu, est la Guerre de Sept ans. Les différents protagonistes y sont présentés avec de superbes reproductions de tableaux montrant les maréchaux et souverains impliqués. Honneur aux dames, la première a être présentée est l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche. Aimée de ses soldats, elle fit réorganiser totalement une armée que son père, Charles VI, avait laissé dans un état de déliquescence inquiétant. Le problème de l’Autriche était un manque flagrant de généraux d’exception : le maréchal Daun, par exemple, était un bon officier mais sans aucun esprit d’initiative et le prince Joseph-Frédéric de Saxe-Hildburghausen. Comme la Russie, l’Autriche a recours aux généraux étrangers comme le général-comte de Lascy (russe), le Feld-maréchal Browne (irlandais) ou Ernst-Gideon Freiherr (livonien). Les troupes autrichiennes ont une discipline moins inhumaine que l’armée prussienne (les coups de bâtons ont été supprimés) et connaît bien moins de désertions. L’Autriche pouvait compter sur ses unités ethniques, les Grenzers (Hussards hongrois, régiments croates, slavons, de Warajdin, de Peterwardein), des unités légères spécialisées notamment dans le harcèlement des lignes de communication prussienne sous le commandement de l’excellent général-comte Franz-Léopold Nadasdy, un Hongrois. L’Autriche est censée compter sur l’armée des Cercles (les petites principautés allemandes du Saint-Empire) mais dans la réalité il n’en n’est rien : ses meilleurs unités, les Würtembergeois, sont incorporés directement dans l’armée autrichienne et les 84.000 hommes d’infanterie et les 36.000 cavaliers censés être fournis n’existèrent que sur le papier. L’armée saxonne était au tiers de sa puissance potentielle et fut rapidement écrasée à la bataille de Dresde : le très avare et incompétent Prince de Saxe avait totalement négligé son armée. La France entra en lice suite au traité de Versailles du 1er mai 1757 avec une armée en totale liquéfaction, dont le chef, le comte d’Argenson, a été limogé le 1er février suite à un caprice de la Pompadour et remplacé par son neveu, le marquis de Paulmy, qui connaîtra le même sort suite au désastre de Rossbach, le 5 novembre 1757. Ajoutons à cela une organisation digne d’une armée mexicaine : l’armée du Bas-Rhin, 30 brigades, avait 44 lieutenant-généraux, 61 maréchaux de camp et 86 brigadiers ! La Russie, dirigé par un très extravagant écossais, le Feld-maréchal comte Villim (William russifié) Fermor, voit son armée en pleine réorganisation. Le soldat russe manœuvre mal mais tient ses positions avec fermeté. La cavalerie, en pleine réforme, est plus que médiocre, notamment les Cosaques, qui pillent mais sont d’aucune utilité militaire. La force de la Russie est son artillerie, la meilleure d’Europe, dirigée par le comte Piotr Chouvalov. En supériorité numérique, les Alliés défirent à plusieurs reprises Frédéric II mais ne purent exploiter leur victoire. D’où la victoire de la Prusse.

Vae Victis n°64 – septembre 2005 – en vente chez tous les marchands de journaux - 6,95 €

0 Comments:

Post a Comment

<< Home